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                    LES DONS D'AUTEURS.                  257

abandon, de ce déplorable laisser-aller qu'on affiche pour
les livres qui ne coûtent tien; abus contre lesquels je ne
saurais trop m'élever dans l'intérêt de la cause que je
cherche à faire valoir.
  Le professeur vint me rejoindre; et, en me promenant
avec lui dans sa charmante villa, il voulut m'adresser
quelques paroles flatteuses sur les numéros du Fantasque
que je lui avais offerts, m'assurant que, malgré l'apparente
futilité des articles qui y étaient contenus, je m'élevais
souvent dans de hautes régions de la pensée.
   « — Oh! lui dis-je en riant et en lui montrant le cerf-
« volant, il n'y a que~chez vous, mon cher professeur, que
« je plane véritablement dans les cieux, grâce à Messieurs
< vos fils, qui m'y font monter sur l'aile des vents!... »
  Le grave professeur comprit de suite ma plaisanterie,
appela ses enfants, inspecta le corps du délit, et les tança
vertement; je m'aperçus bien vite qu'il aurait volontiers
pardonné la tête du cerf-volant formée en entier de mes
poésies, mais il ne pouvait prendre son parti de la queue,
dont les mouchets étaient fabriqués avec des changes et de
la théologie, matières éminemment en faveur dans notre
cité pieuse et calculatrice.




   Conclusion. — Messieurs les auteurs! c'est votre cause
que je viens de plaider avec d'autant plus de conviction et
de liberté, que je n'y suis plus intéressé moi-même; j'ai
renoncé aux joies de la presse, joies trop négatives dans nos
contrées, et je voudrais adoucir le destin des infortunés qui
s'y font encore imprimer.
   Réunissez-vous donc pour saper l'abus qui vous porte à
offrir vos oeuvres aux seules personnes intéressées à les
acheter; cette générosité nuit à vos intérêts en humiliant
votre amour-propre, puisqu'elle vous expose à retrouver