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                    LES DONS D'AUTEURS.                  251

 dans une ville d'un million d'âmes, comme Paris, à côté
 des catégories susdites il y ait encore des chances pour
 trouver des acheteurs, je le conçois, — bien qu'ils soient
 déjà fort diminués; mais à Genève où tout le monde se
 connaît, où les parents pullulent, — surtout quand il s'agit
 de recevoir ; — en vérité c'est un abus de la part des au-
 teurs que de dissiper ainsi, en courtoisies insensées, la
 seule chance qu'ils pourraient avoir de couvrir leurs frais
 d'impression. • Que s'ils veulent absolument faire l'hom-
                  —
 mage gratuit de la moitié de leur édition, encore devraient-
 ils la destiner à ceux auxquels ils n'ont aucun espoir de la
 vendre, afin de conserver la possibilité d'écouler l'autre
moitié au moyen des très-rares amateurs de leurs œuvres.
    Voyons maintenant les suites de cette triste libéralité.
    En premier lieu, les parents, qui reçoivent un ouvrage
imprimé de leur consanguin, acquièrent, par cela même,
la pénible certitude qu'il est auteur, — car on sait
que s'il est un lieu où le prophète soit moins apprécié
que dans son pays, c'est dans sa famille; et,.il peut être
célèbre dès longtemps pour tout le monde qu'il n'est encore
que ridicule pour ses alliés par le sang. — Ceux-ci, après
s'être convaincus, à l'inspection de l'intitulé de l'ouvrage
offert, que leur infortuné parent est entaché du titre de ri-
mailleur ou d'écrivailleur, le plaignent amèrement, dans
leur for intérieur, et voudraient voiler à tout le monde la
honte que ce membre dégénéré de leur famille fait rejaillir
sur chacun d'eux. Voilà donc presque toujours le résultat
le plus certain de cette politesse.
    Secondement, les amis ! Quant à ceux-ci, ils nous en-
tendent trop souvent parler pour se résigner jamais à nous
lire, d'ailleurs ils ont joui de la primeur de nos œuvres ma-
nuscrites, en sorte que nos amis, qui ne nous pardon-
neraient point si nous ne leur donnions pas nos livres,
se gardent bien d'y toucher et de les parcourir ; mais en
revanche ils les prêtent à qui veut, se font un honneur de
les tenir de nous et deviennent, à nos dépens, tout autant