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DU CHATEAU DE VAREY. 81 des cris de joie traversant la nuit leur apprenaient que le camp où ils avaient leur bien, leur fortune, tant de souvenirs d'une famille lointaine, était tombé aux mains des Dauphi- nois. Les richesses accumulées dans les tentes opulentes des sei- gneurs de la Bourgogne, les armes elles bagages desAuxer- rois, des Allemands, des Suisses, des Savoisiens, coursiers, ornements, bijoux, riches étoffes, butin de toute sorte, tout fut la proie du vainqueur. Les soldats, les gens du populaire eurent une occasion peu commune de s'enrichir. Plusieurs jours après la bataille, les roules étaient encore couvertes de chars qui conduisaient en Dauphiné les dépouilles des mal- heureux vaincus. Quand la nuit eut arrêté le massacre et sauvé les derniers débris delà Savoie, le Dauphin gravii les collines encombrées d'armes et de machines abandonnées ; il traversa les ruines du château de Varey, les fossés pleins de cadavres, les murail- les témoins de si furieux assauts, couronnées aujourd'hui d'une si brillante gloire et vint se jeter dans les bras de l'auguste vieillard qui s'était défendu avec tin! d'éclat. Les nobles al- liés du Dauphin s'empressèrent d'ajouter leurs félicitations à celles du souverain et le bruit des fêtes retentit dans ces murs la veille remplis d'alarmes, sous ces voûtes ébranlées naguère par des projectiles meurtriers. Pendant que les princes resserraient à Varey les liens de leur alliance, partageaient les dépouilles et faisaient conduire les prisonniers sur J'aulre rive du Rhône, l'épouvante se ré- pandait dans la Savoie ; on disait sa noblesse anéantie, l'ar- mée détruite, des richesses immenses perdues, le Comte en fuite, peut-être mort ; des bruits exagérés trouvaient créance; on voyait déjà la Savoie partagée entre les vainqueurs ; on s'informait des morts, des prisonniers et toutes les familles pleuraient dans l'attente des plus grands malheurs. 6