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NOTE AU SUJET DU DISCOURS DE RENTRÉE DE M. L'AVOCAT GÉNÉRAL VALANTIN. 11 y a encore eu France , et particulièrement à la Cour de Lyon, des magistrats qui aiment la philosophie , et qui s'élèvenl au-dessus du code pour trouver le principe et la raison suprême des lois écrites. De ce nombre est M. l'avocat-général Valantin, dont le discours de rentrée vient d'être accueilli par les applau- dissements unanimes de la magistrature et du barreau. L'idée philosophique dans la jurisprudence au XVIIe siècle, tel est le sujet de ce discours remarquable parles connaissances philosophiques, par l'élévation du langage et de la pensée. M.Valantin nous montre l'influence de la grande philosophie de Descartes sur les théories de la jurisprudence dans Domat et dans D'Aguesseau, continuateur de la tradition philosophique du XVIIe siècle. Sous l'influence de Descartes et de Malebranche, tous deux ont admis une raison uni- verselle qui, indépendamment de la foi, révèle à tousles hommes une même justice, tous deux ont vu dans cette justice suprême et absolue une émanation, un attribut de Dieu lui-même, et le principe de toute législation humaine. C'est là qu'il faut que le jurisconsulte élève d'abord les regards, et, après avoir contemplé la Justice dans sa source même, il redescendra aux lois des hommes, et les jugera d'après ce divin exemplaire. Ainsi avaient procédé les législateurs, les sages anciens, Platon et Cicéron, dans leurs traités des lois. En tête des lois particulières qu'ils ont rêvées pour leurs républiques, ils placent les principes d'où elles tirent leur force et leur légitimité et remontent jusqu'à Dieu. M. Valantin nous cite aussi le traité des lois de la Somme, où saint Thomas s'hispire à la fois de la sagesse des anciens et de la sagesse du christianisme. Il se plaint avec raison que ce traité est trop peu connu des jurisconsultes ; ajoutant qu'il est aussi trop peu connu des théologiens qui font la guerre à la raison et ne veulent pas admettre une morale naturelle. On ne peut démontrer avec plus de force que l'auteur de ce discours, la nécessité pour un jurisconsulte de ne pas séparer la théorie de la pratique, et de remonter à la philosophie pour y chercher la raison du droit. Nous applaudissons avec lui au penseur qui a dit : Le mépris de la théorie constitue la préten- tion excessivement orgueilleuse d'agir sans savoir ce qu'on fait, et de parler sans savoir ce qu'on dit. Espérons que l'autorité et l'exemple de M. Valantin contri- bueront à ranimer, dans la magistrature et le barreau, cette alliance heureuse du droit et de la philosophie, qui a fait la force et la gloire des Domat et des D'Aguesseau.