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BIBLIOGRAPHIE. 423 sive modestie. Il y a toutà la fois chez lui de l'homme et de l'en- fant. On sent, à travers sa causerie, le poète et l'artiste, mais avec un esprit d'ordre et de précision qu'il doit à la régularité de sa vie et à ses fonctions de comptable. Vous le connaissez main- tenant. Qui ne voudrait en faire son ami, après avoir lu ses vers ! Comme il se laisse pénétrer à tout propos, et comme il y a plai- sir à le suivre dans ses récits ! On voit le conteur tout en écou- tant sa fable. Il y a du mouvement dans son dialogue, de la grâce dans les détails, de la vérité dans la mise en scène de ses personnages et l'action marche à son but. Nous avons esquissé le double portrait de l'homme, montrons le fabuliste. À l'œuvre on connaît l'ouvrier. Qu'on le juge donc sur les deux fables que nous prenons au hasard dans les livrai- sons parues. De celles-ci on aura la mesure des autres. Une goutte suffit pour apprécier la bonté d'une liqueur : L'HOMME ET LE LION. Je vais louer l'homme une fois; L'occasion en est bien rare. Je le peins tel que je le vois, Je le vois trop souvent sot, injuste et barbare. Fort doux est le lion lorsqu'il a bien dîné. En paix avec toute la terre, On l'a vu cependant quelquefois entraîné A montrer un peu de colère. Un lion vit un homme; il rugit, et, d'un bond, 11 se trouva tout près du malheureux. Que faire Contre un si terrible adversaire ? L'effroi de l'homme fut profond ; Il attendait la mort.—Je te tiens, misérable, Dit le roi des déserts; te faut-il terrasser? Un geste y suffirait ; mais tu vas confesser Les torts de ta race exécrable. Tu va proclamer sa laideur, Ses vices, son orgueil, ses forfaits, sa faiblesse; Tu vas avouer ta bassesse, Et rendre hommage à ma grandeur.