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BIBLIOGRAPHIE. 79 L'amour, le paysage, voilà tout le livre de Rafaël. Si vous jugiez le livre par l'auteur, vous en diriez trop de bien. Je veux un instant oublier le père, pour médire à mon aise de l'enfant. Et d'abord de l'amour . . . . Cet amour-là n'a guère d'unité. Camilia, Laura et Margot en ont leur part ; et, s'il faut le dire, elles n'offrent pas, à elles (rois, une figure très-poétique. II leur manque ce qui fait la poésie émouvante, profonde , intimement hu- maine, le cœur. Elles l'ont oublié en venant au monde. Ra- faël , de son côté, ne donne à ses fugitives pensées que ce qu'il en reçoit. La passion légère, rapide, à fleur de peau, ne l'en- gage jamais. Il traverse le pays en voyageur, il ne séjourne pas. On dirait qu'il a peur d'y rester. Pour son cœur, en ses aventures, il ne se compromet guères, il se tient plus haut, et se garde pour une meilleure occasion. S'il se nomme , c'est pour la rime ou par politesse. S'il s'annonce, on sent qu'il n'entre pas. Il ne se confie, ni ne se donne. Et de quel droit l'obtiendraienl-ils, ces pauvres cœurs tant de fois délaissés ? Aussi, Rafaël a-l-il bien fait de ne pas dépenser là son amour en pure perte. Mais la poésie s'est ressentie de la ré- serve , et l'expression de l'amour manque de cette chaleur, de cette tendresse, de ce tressaillement ineffable, de ce fré- missement de l'âme entière, qui est la grandeur et l'élément poétique de la passion. Si l'amour n'a pas l'émotion, le paysage n'a pas toujours la naïveté. L'imagination y remplace trop les primeurs de l'im- pression. L'artificiel y étouffe trop l'effet simple el direct de la nature. Cette nature, elle est trop habitée par la fantaisie. Nodier, dans une boutade, s'écriait : « 0 Comté ! quel beau pays si lu avais mois de villes el moins d'habitants ! » Les beaux paysages que ceux de Rafaël si les divinités de l'Olympe avaient jugé à propos de ne pas y descendre ! Les amours me