Revue du Lyonnais » série 1 - n°8 ( 1838 ) » pp.472

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         A MA FILLE.



Sais-tu pourquoi ma rêverie,
Pendant neuf mois trop douloureux,
Au lieu de toi, fille chérie,
Appelait unfilsde ses vœux ?

C'est que sur la terre où nous sommes
La femme a le pire destin ;
Semblable à la fleur du chemin
Qui se flétrit dès que les hommes
Ont approché d'elle leur main.

De tes sœurs femme en chrysalide,
La seule patrie est le ciel,
Où tout est rose, où tout est miel :
Pour vous notre terre est aride ;
Le plus beau front cache une ride ,
Et la plus belle ame a son fiel.

Tout n'est qu'une amère ironie :
Chaque plaisir a sa douleur ;
Chaque fruit a son ver rongeur ;
Le bonheur appelle l'envie ;
L'amour s'éteint avant la vie;
Le parfum passe avant la fleur.

Voilà pourquoi ma rêverie,
Pendant neuf mois trop douloureux,
Au lieu de toi,fillechérie,
Appelait un fils de ses vœux.
                         Léon   BOITEL.