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prières des morts, après lui avoir découvert la face, l'offi-
ciant entonna d'une voix vibrante la leçon qui commence
par ces mots: —Responde mihi: réponds-moi. Lors on
voit le corps, jusque là étendu dans sa bière, se lever len-
tement, Ã la grande terreur de tous les assistants, et il dit
à haute voix : Justo Dei judicio accusatus sum ; par le
juste jugement de Dieu je suis accusé.— On délibère, on
doute s'il est mort ou s'il est vivant, on se résout enfin à at-
tendre jusqu'au lendemain. Cependant tout Paris instruit
du miracle se porte le jour suivant à Notre-Dame, la bière
est de nouveau découverte, on officie et l'on vient chanter
les leçons sur le corps au milieu des torches funèbres.
Quand le prêtre eut dit, sans doute d'une voix moins as-
surée que la veille, Responde mihi, le défunt, à la vue de
tous, se met sur son séant et répond : Justo Dei judicio
judicatus sum : par le juste jugement de Dieu je suis
jugé. Voilà que de nouveau on délibère. Ce jugement
peut être bon ou mauvais. Ce n'est pas encore la fin. On
remet au lendemain. Pour cette dernière fois il répondit :
Justo Dei judicio damnatus sum : par le juste jugement
de Dieu je suis damné. Oh ! dès lors on ne délibère plus
on prend le corps et on le traîne à la voirie comme in-
digne de reposer en terre sainte.
Saint Bruno médita, dès cette époque, sa fuite du monde
et se résolut à tout tenter pour éviter une destinée pareille
à celle du chanoine Raymond. Nul homme pouvait-il se
flatter de vivre plus saintement qu'il n'avait vécu au milieu
de Paris ? n'était-il pas l'exemple des plus belles et des
plus simples vertus? et il est damné! — damné! —Dieu
a damné son prêtre qui, pendant soixante ans, avait chanté
ses louanges jour et nuit ! avait répandu et fait aimer sa
doctrine ! Qui donc pouvait espérer de se sauver dans ce