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258          UN DÉBUT DANS LE GRAND MONDE

me laissai aller à ces séductions. Je ne dansais pas trop
mal, je me livrai tout entier à ce plaisir et un instant après
j'étais plus heureux que le Ministre des Finances lui-même.
   Cependant une fois la fougue des premières danses pas-
sée, un peu d'accalmie Commence à se manifester dans ce
beau bal. L'orchestre se tait et les joyeux couples de dan-
seurs et de danseuses se dispersent dans les salons, dans les
serres, dans les jardins de l'hôtel.

   Je profite alors de ce moment pour admirer tout à mon
aise cette splendide installation. Bientôt mes yeux sont
charmés par de superbes tableaux, véritables chefs-d'œuvre
qui m'attirent et me retiennent vers eux.
   Pour ma part je n'ai jamais compris ces collectionneurs
qui tiennent avant tout à avoir les lambris de leurs salons
couverts de toiles d'un mérite souvent fort discutable. C'est
ici surtout que la qualité doit l'emporter sur la quantité.
Peu de tableaux mais tous excellents. Voilà la marque
infaillible d'un tact parfait et d'un goût éclairé.
   C'était bien cette pensée qui avait présidé à la composi-
tion de cette magnifique collection.
   Je ne décrirai pas tous les tableaux qui me captivèrent ce
soir-là. Je m'arrêterai à trois seulement dont je veux évo-
quer le souvenir.
   En premier lieu la Marguerite de Faust à la fontaine, par
Ary Scheffer, cette toile si connue et si touchante.
   La pauvre Marguerite, blonde, idéale (encore après sa
faute), est là seule, triste, déjà pâle, abattue, accoudée près
de la fontaine, retenant son seau d'une main défaillante.
Derrière elle ses compagnes s'éloignent en riant ou se la
montrant du doigt. A demi cachée derrière la fontaine
apparaît la figure railleuse et sinistre de Méphistophélès.