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SUR LE PONT DE SAÔNE 75 la bonté du Sauveur Jésus, qui a voulu le salut de tous les hommes, qui s'est donné pour tous en rançon ! (8). » Les prélats auxquels Agobard tenait ce langage étaient des prêtres vertueux mais trop peu influents à la Cour pour y faire agréer sa supplique. Elle resta sans réponse, ou plutôt ce fut la coterie juive qui tenait lieu de gouverne- ment à la France, qui se chargea d'y répondre. Et elle le fit en expédiant immédiatement à Lyon les deux commissaires chargés d'informer contre l'archevêque de l'envoi desquels Evrard avait eu déjà le front de le menacer. A l'arrivée de Guerric et Frédéric — c'étaient les noms de ces missi... judaïci — la joie de la synagogue fut sans bornes, égale la consternation des chrétiens. Les tracasse- ries et les violences que ceux-ci redoutaient ne se firent pas attendre. Alors que tous les blasphèmes, toutes les moque- ries et tous les outrages à l'Église ou à l'archevêque étaient permis aux Juifs, les fidèles, eux, et surtout leurs prêtres étaient surveillés, traqués, espionnés. Pour une parole désagréable aux oreilles d'Israël, pour un mot de blâme qui leur avait échappé, dans leurs sermons, à l'adresse de la politique anti-chrétienne du gouvernement, on vit des ecclésiastiques, et non pas des moins vénérables, dénoncés, poursuivis comme rebelles à l'empereur, jetés en prison. Beaucoup n'échappèrent au même sort qu'en se cachant ou en prenant la fuite. Et cependant les plus malheureux, parmi les chrétiens, ce n'étaient pas ceux qui souffraient persécution dans leur corps, c'étaient les ignorants et les (8) Saint Agobard. Lettre « aux très vénérables et très heureux Seigneurs et Pères Adalard, Vala, et Hélisachar ». Autre lettre « aux très saints, heureux et illustres Seigneurs Hilduin, prélat du sacré palais, et Vala, abbé. »