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14                UNE NOUVELLE BOUTIQUE

cherché dans le reste de la ville. Le Lyon du xvie siècle
n'avait pas de Juifs. De là l'étonnement qu'éprouvaient les
passants â la vue des profils sémitiques du pont de Saône.
« Hé quoi, des Ebrieux à Lyon ! des Ebrieux tenant bouti-
que dans la maison Pynatel ! » Sans doute, il devait arriver
parfois, en ces temps-là, que des marchands Israélites en
voyage traversent notre ville. Mais que des Juifs osent
« s'accaser » à Lyon, s'y installer et y résider : c'est ce qui
depuis 150 ans, c'est ce qui, de mémoire des Lyonnais
d'alors, ne s'était jamais vu.
   Nouveauté dont Me Estienne n'opinait rien de bon ;
scandale qu'il entendait qu'on fît au plus tôt cesser. C'est
pourquoi il était venu requérir le Consulat de prendre les
mesures qu'exigeait l'événement : « que messieurs les
conseillers veuillent bien se joindre à moi peur ajourner à
demain lesdits Juifs devant monsieur le juge ordinaire du
roi, afin qu'il leur soit fait par ledit juge défense de tenir
 boutique ouverte et commandement de vider la ville. »
   Cette requête n'était pas pour déplaire à des magistrats
qui partageaient, à l'endroit des ennemis de la religion
chrétienne, les sentiments du requérant. Toutefois, avant
de l'accueillir, la prudence leur faisait évidemment un devoir
de se bien assurer de l'opportunité, de la légalité de la
démarche qu'on réclamait d'eux.
   « M* Estienne, pourriez-vous nous dire si, au temps où
le roi en souffrait dans ses États, nous avons eu des Juifs à
Lyon? Ont-ils jamais été, en cette ville, nombreux et puis-
sants ? Le peuple et la foi chrétienne ont-ils eu de grands
maux à endurer d'eux? Et aujourd'hui, faut-il croire que,
si nous en admettions quelques-uns, les mêmes inconvé-
nients s'en pourraient ensuivre? En tous cas, dans une
ville ouverte comme la nôtre à tous les marchands étran-