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                         EN OISANS                       383

tout coupé de larges et magnifiques crevasses transversales
sur une forte inclinaison. Mais la vue est réellement sublime
en arrière, à gauche, vers les crêtes glacées.
    Quand nous retrouvons la terre ferme, nous faisons une
dernière halte dans la prairie toute en fleurs, au bord du
 ruisseau limpide dont les eaux que nous suivrons demain
jusqu'à Vizille vont bien changer de couleur et d'allure dans
leur pittoresque voyage.
    D'un bon pas, par le chemin muletier de l'Alpe de
Villard-d'Arène, puis par la grande route nous gagnons la
Grave, but terminal de nos excursions (3 h. 50 de marche
effective, du sommet du Pic Cordier à la Grave).
    A notre arrivée, l'orage qui avait menacé tout le jour,
éclate furieusement : sur nos têtes, la Meije invisible est
aux prises avec la foudre dans une lutte infernale.
    Tant pis pour elle : aujourd'hui nous nous en moquons.
Que les éclairs déchirent la nuit, que les nuées s'entre-
choquent, que les monts sautent comme des béliers, que
les torrents affolés remontent vers leurs sources ahuries....
nous, attablés tous les quatre autour d'un rôti plantureux,
nous ne perdons pas un coup de dent et sablons princiè-
rement le Romanée de Monsieur Juge.
    Tel le bonhomme du vieil Horace, justum ac tenacem,
demeure impassible et regarde d'un œil blasé l'effondrement
de l'univers.
    Au dessert, au moment précis où nous débouchions une
bouteille de Champagne, brusque apparition de notre ami
le touriste parisien de Vallouise.
    Guêtre de jambières irréprochables et portant crânement
le feutre sur l'oreille, il chante d'une jolie voix de ténor,
l'air de Sigurd :