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           LA VÉRITABLE TÊTE DU LAOCOON.
   Un artiste de nos amis, M. Valmore, nous écrit de Bruxelles
le fait suivant :
   Il y a, à Bruxelles, dans la fameuse galerie de tableaux et de
sculptures du duc d'Aremberg, une chose qui n'est pas très ré-
pandue dans le monde artistique, et qui n'est connue que des
intimes initiés. Entre autres raretés, le duc d'Arembergpossède
la véritable tête de Laocoon. Voici l'histoire : ce groupe fut
découvert en Italie, mais la,tête du père et un bras d'enfant ne
se trouvèrent pas. Un sculpteur habile, d'après un bas-relief
antique qui représentait ce groupe, fit la tête du père, celle
qui se voit aujourd'hui. Quelque temps après des entrepre-
neurs vénitiens découvrirent la véritable tête. L'aïeul du prince
d'Aremberg en fit l'acquisition, moyennant 30 ou 40 mille se-
quins (160,000 fr.); et il emporta son trésor en Belgique,
   Lorsque le premier Consul fit transporter en France le
groupe de Laocoon, il n'ignorait pas 'que la tête véritable
était en la possession d'un prince belge, et il en fit cffrir son
pesant d'or. On refusa; mais comme Napoléon était opiniâtre,
quand H voulait une chose, leduc d'Aremberg, dans la crainte
de quelque rapt gouvernemental, fit cacher à Dresde ce chef-
d'œuvre, qui y resta dans l'oubli pendant dix ans. Cette tête,
qui est rendue au jour, depuis que la Belgique est tranquille,
est d'une expression admirable. C'est la douleur morale et
physique portée au plus haut degré. Ce serait le Christ, moins
la divinité. La tête moulée eu plâtre qui existe sur la statue,
telle qu'elle est maintenant, se trouve placée à côté de celle-
ci, ce qui permet d'en apercevoir toute la différence. On voit
les dents; et la contraction de la mâchoire inférieure fait
souffrir à regarder. Rien ne grimace dans cette immense dou-
leur. Les yeux, dont les prunelles sont marquées, élincellent
sous le marbre.
  Le musée de Paris et celui de Lyon devraient bien deman-
der un exemplaire moulé de celte tète, pour la substituer à
celle de leur Laocoon.