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   LeSl octobre, le Rhône, grossi par la fonle des neiges, gros-
si par tous ses affluents, s'était, dans le cours de ses douze
heures d'ascension, considérablement enflé. Il avait rompu
ses digues, noyé l'immense plaine des Brolleaux, depuis la
Tête-d'Or jusqu'à la Mouche, vaste champ semé d'habitations,
où, vingt-quatre heures durant, au milieu desdétonnations de
boîtes, des coups de canons des forts, des cris de détresse et du
bruit des flots, il donna le désolant spectacle de ses nombreux
ravages. Celte crue extraordinaire a atteint, au pont Morand,
5 m. 57 c.,et a dépassé de 35 centimètres la mémorable inon-
dation de 1812.
   Ce n'était là, pourtant, que le prélude de maux plus grands
encore !
   A peine avait-on pu évaluer les pertes, reconnaître les dé-
sastres, chercher les victimes et compter 231 constructions
anéanties, que la Saône, indolente rivière, grossit à son tour.
Elle monte... elle monte menaçante. Elle déborde, envahit
nos rives, s'empare de nos logis , roule torrentueuse en-
tre les deux lignes de maisons qui bordent nos quais, et
se forme un vaste lit. Elle brise les amarres de nos usines, de
nos larges bateaux. Elle les entraîne sous les arches des ponts
où elle les broie et s'engouffre mugissante avec eux. Des toits
entiers flottent comme des radeaux. Des meubles, des lits,
des berceaux nous arrivent, sinistres messagers des malheurs
de tout le littoral.
   La Saône monte, monte encore, et n'a pas accompli ses
neuf jours de crue. Elle déracine les arbres, entraîne récoltes
et semailles, emporte la cabane du pauvre, la demeure somp-
tueuse du riche, et les place tous deux sous le même niveau.
Nos ponts suspendus se tordent et crient. Encore quelques
heures, et leurs travées seront soulevées par les flots. Nos
ponts en pierre ont leurs arches encombrées et presqu'entiè-
rement obstruées par l'eau. Le ciel est sombre et semble
couvrir d'un voile épais cette scène de désolation.
   La Saône monte, monte encore; la nuit est affreuse. On n'en-