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\faxiâé$. DES STATUES EN GÉNÉRAL ; — DE L'INAUGURATION DE LA STATUE DE JACQUARD. Bien que nous trouvions naturel et juste que le marbre ou l'airain perpétue le souvenir des illustres morts, et qu'on en- vironne leurs noms de la gloire et de la protection que méritent leurs vertus ou leur génie ; pourtant, nous ne pouvons nous empêcher d'observer que, dans l'histoire, les âges précisément où l'on témoigne le plus d'admiration et d'engouement, sont ceux aussi qui ont le moins de vrai génie et de véritable vertu. Il faut bien le dire, les siècles ne ressemblent point mal, en ceci, aux faibles humains qui s'idolâtrent souvent en raison môme de leur médiocrité. Est-ce que la divine Enéide de Virgile reçut jamais de ses contemporains les bruyants applaudissements qui furent prodigués à la Thébaïde de Stace, sous les portiques du Forum et dans les bains de Rome ? A l'époque où vivait Sidoine, au Ve siècle, temps de décadence et de pénible recherche dans les ouvrages d'art, est-ce que le moindre poétailleur n'avait pas sa statue dans la métropole ? Sidoine en parle assez souvent, et nous savons que lui-même était coulé en bronze au Forum. Et puis aussi, quand il s'agit d'hommes politiques surtout, comme l'admiration s'emporte et gauchit, se laissant aller aux préventions d'un jour, aux passions de la foule ! Il existe, dans le grand escalier de l'Hôtel-de-Ville, à Marseille, la statue d'un soldat qui porte l'épée à la main ; si l'on ne savait par l'histoire ce qu'était cet infâme, l'on s'imaginerait tout d'abord que Libertat fut un libérateur de la cité, tandis que, au con- traire, il la vendit à Henri IV pour de l'or et des titres. Je crois que, sans sortir de France, nous trouverions plus d'en fait de la même nature. Après cela, il faut être, comme on le voit, fort sobre de statues. Maintenant, s'il entre dans les vues des gouvernants ou des magistrats de nos cités de consacrer ainsi d'une manière pal- pable et visible le souvenir d'un citoyen, que le choix tombe alors sur un homme qui ait été vraiment utile, vraiment dis- tingué, et aussi noble par les qualités de l'a nie que par les facultés de l'intelligence, en sorte que nulle époque n'ait à déplorer la méprise ou la passion d'un autre temps. Les sta- tues des bons citoyens seront toujours un ornement convena- ble dans l'enceinte de nos cités, et seront là tout-à -fait à leur place, mieux sans doute que des divinités ou des images allé-