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158 je ne m'étonnai plus de ses terreurs et de ses visions. Je ne sais pas bien môme si ce fut le résultat de mon esprit agité, ou si ce fut une apparition réelle : une forme vague, blan- che, grande comme un des arbustes de la montagne, parut derrière la chapelle, à peu de dislance de laquelle j'étais res- té. On eut dit qu'elle hésitait un moment, puis elle se mit lentement en marche et descendit. Je ne la vis pas longtemps. Je passai ma main sur mes yeux, je les ouvris autant que Dieu me les a donnés grands, ce qui n'est pas beaucoup dire, toute mon attention fut saisie; mais l'apparition ne dura point. Depuis je n'ai pu savoir au juste ce que c'était, à moins que ce ne fut une nouvelle escapade de la sainte Vierge, ce dont je doute, car sa chapelle est parfaitement close et je l'ai vue à travers la petite grille de la porte, si bien parée et si bien couronnée de fleurs et d'or, qu'il lui eut fallu un trop puissant motif pour quitter ses beaux ha- bits, sa brillante toilette, et s'en aller, par une nuit si mau- vaise, courir la montagne. Mon histoire, ou ma légende, quelque soit le nom qu'on veuille lui donner, n'aura, je ne l'ignore pas, rien de sérieux ni de grave auprès de certains hommes. Il en est môme qui, jugeant tout d'après eux, et fort satisfaits des bornes assi- gnés par le créateur à leur esprit (quelques-uns se conten- tent de peu), prendront en souverain mépris elle et son au- teur. Ils me traiteraient de tête légère et folle, incapable de réfléchir et d'être utile. Ils me fermeraient volontiers l'en- trée de toute carrière qu'ils réserveraient pour eux seuls et leurs semblables : je suis moins exclusif qu'eux et ne les crois incapables de rien, môme de remplir leurs loisirs com- me je remplis les miens, s'ils daignaient le faire. Je ne leur demande qu'une chose, c'est de faire connaître la méthode qu'ils emploient pour en venir (si toutefois ils ont à en venir là ), pour en venir à regarder comme futiles des choses aux-