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68 n'ont jamais rien fait dans sa ferme; et sa femme, pour sauver sa dot, s'est séparée de biens, puis de corps. Plus tard, on l'a trouvé, lui recors, mort ivre dans la neige, une con- trainte à la main. On a dit, à son enterrement, pour le repos de cette ame dont chacun désespérait, une messe bien basse, d'autant plus basse qu'il a discuté,â chaque baptême d'enfant, le tarif de la marguillerie, en vertu du concordat de germi- nal an X!! Voilà le commencement et la fin de notre héros, les pre- miers et les derniers actes de sa vie privée. Quant aux temps ' intermédiaires, à son existence d'avocat, en parlant de son confrère, c'était parler d'Abel ; venons à Caïn maintenant. Tracassier toute sa vie, il n'a jamais été en charge dans sa Commune. Seulement au moindre événement politique, on l'a vu courant au clocher pour y sonner le tocsin, et à lui tout seul se nommer maire ou percepteur ; il facilite bien les arrangements de famille, mais par la terreur de son nom.Ce nom est une menace, une quasi déclaration de guerre, c'est l'alliance Anglo-russe quant à la France. Lorsqu'il avait intacte la dot de sa femme et sa légitime en débris, il les employait à acheter des droits litigieux qu'il rendait plus litigieux encore. Une fois ruiné, il s'accroche à tous les déconfits, les faillis, les séquestrés. Il sait faire re- vivre la dette éteinte ; éteindre celle qui vit, chose que Dar- gentré proclame une ressource impie ; la prescription, il la cultive, la propage dans son endroit. Dépourvu de l'in- telligence de son confrère et n'étant pas né aussi praticien que lui, il l'est devenu par une voie singulière. A force de forger on devient, dit-on, forgeron; mais c'est sur lui qu'on a martelé. Le cours de procédure qu'il a fait lui a été lourd et dispendieux. La lente expropriation de ses biens, ses actes frauduleux tant de fois annulés, lui ont inculqué le texte et la glose de manière à le rendre retors au delà de ses propres