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auteur ; elle nous apprend qu'en môme te'mps qu'il semait la dis-
corde parmi les savans , il contribua aussi à la disgrâce et au
bannissement d'un homme du monde : à l'époque où le comte
de Bussy Rabutin fut reçu (vers 1665) à l'Académie française,
il courait dans quelques cercles une Histoire amoureuse des Gaules
où il avait malicieusement peint les portraits de plusieurs per-
sonnes puissantes à la cour. Ce qu'il y a de remarquable c'est
qu'une des aventures qui frappèrent le plus dans son roman
était précisément une pure traduction de Pétrone, jusqu'à la
lettre môme qu'il y attribuait aune des dames satirisees, et qui
se retrouve toute entière dans le texte latin. On se plaignit au roi;
la vanité blessée de plus d'une personne de la cour s'éleva contre
le eomte ; la sienne ne voulut pas céder ; il eut suffi de dévoi-
ler le plagiat, cet aveu révoltait son amour-propre, il se tut ; la
haine parla; et non seulcmeet il fut renfermé un an à la Bas-
tille, mais il resta encore exilé pendant seize longues années,
et sa disgrâce avec la cour ne finit réellement qu'avec sa vie, le 9
avril 1693.
La guerre allumée entre les érudits, quoique; longue, n'eut
point des conséquences aussi graves, et ne sortit point du do-
maine de la science ; l'authenticité du fragment de Traù fut for-
tement attaquée. « Comme on n'avait jamais vu cette pièce, on
s'imagina, écrit Jacob Spon, médecin et célèbre antiquaire de
Lyon, qu'elle étoit supposée, et que ce n'étoit qu'un jeu d'esprit
de quelque savant qui avoit imité le style de Pétrone. » La
crainte d'être dupe rendait incrédule ; plusieurs critiques parurent;
une vive discussion s'engagea , et il se forma comme deux fac-
tions dans la république des lettres : Jean Lucius défendait le
nouveau fragment ; J. "Wagcnseil de Nuremberg, savant orienta-
liste , qui parcourait l'Europe depuis six ans, s'éleva contre
l'historien de Traù. L'abbé Gradi de Raguse, conservateur de
la bibliothèque du Vatican^ soutenait la découverte de Jean Lu-
cius ; Adrien de Valois, historien et philologue de Paris, con-
sulté sur l'authenticité du livre, la combattit dans une critique
adressée à Wagenscil, qui la fit imprimer avec la sienne (Paris,
1666, in-8°.) La môme année , le médecin Pierre Petit, de l'aca*-
uémic- des Ukovrali de Padoue, et l'un des sept de la pléiade poé-