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418 pies et les bibliothèques des monastères, les doctes, éparpillés parmi les royaumes, formaient comme un vaste réseau sur tout le vieux continent; la science alors eut réellement un culte, et l'amour des livres fut une véritable passion : l'addition d'une scholie, l'éclaircissement d'un passage, la restitution d'un mot causaient des joies indicibles; la découverte d'un manuscrit in- connu entraînait plus de transports que n'eût fait la nouvelle de la plus grande victoire, et chaque conquête d'un nouveau fragment était inscrite comme un brillant trophée de plus pour la littérature. Mais cette république des lettres, qui comptait tant de triomphes, et qui, arrachant d'une main les débris des anciens aux ravages du temps, répandait de l'autre la lumière sur le monde, ne fut point à l'abri des guerres civiles. Lyon, une des métropoles du monde savant d'alors, joua souvent un grand rôle dans ces querelles, comme acteur ou comme juge. Mais la paix ne commençait sur un point que pour finir sur un autre ; les œuvres seules de Pétrone furent plus d'une fois la pomme de discorde, comme nous allons essayer de le démon- trer. Pétrone était un enfant de la Gaule, né aux environs de Mar- seille , qui s'était fait remarquer par son goût pour les plaisirs et pour les beaux arts, à la cour voluptueuse de l'empereur Claude, gaulois comme l u i , que Lyon avait vu naître en l'an X av. J. C. Sa faveur augmenta sous Néron qui le nomma surintendant de ses plaisirs, et il devint l'arbitre des fêtes et des festins, ce qui lui valut le surnom d'arbiter (Titus Petronius arbiter. ) Jaloux de sa fortune, Tigellin, autre favori du prince, l'accusa de com- plicité dans la conspiration de Pison ; il fut arrêté à dîmes, et, sans attendre sa condamnation, il se fit ouvrir les veines. C'est ainsi que Pétrone, qui avait été proconsul de Bithynie et plus récemment consul de Rome, péril, en 66 de J. C , victime d'une tentative pour la liberté qui coûta aussi la vie au poète Lucain, au philosophe Sénèque et à plusieurs romains illustres. En mou- rant , il envoya à Néron une satire ingénieuse où les mœurs in- fâmes de ce prince étaient peintes des plus vives couleurs. Le tyran furieux, ne pouvant se venger sur l'écrivain qui n'était plus, sévit contre tous ceux que le plus léger soupçon pouvait atteindre.