Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                 132
  avoir osé parler de la misère du peuple à des hommes vivant
 pour la plupart d'abus et de privilèges. Ceci se passait sous le
 glorieux règne de Louis XIV. Mais le génie ne sème jamais en
 vain : rejelés d'abord , comme impraticables les projets de l'abbé
 de St-Pierre devaient être repris un jour ; et, parmi ces projets,
 il en est un que déjà la philantropie moderne a su réaliser de
 tous points. Je veux parler de l'extinction de la mendicité, de la
guérison de cette plaie hideuse , jusqu'ici réputée incurable, et
que, grâce au zèle éclairé de quelques bons citoyens , nous
voyons se cicatriser chaque jour, parmi nous. Toute cette ques-
tion, en effet, avait été traitée par l'abbé de St-Pierre, et ce
n'est pas sans une admiration mêlée de surprise que l'on retrouve,
dans ses Å“uvres , l'indication exacte des moyens mis en Å“uvre
de nos jours pour arriver à ce but. Honneur donc à lui ! mais
gloire aussi aux philantropes descendus après lui dans la car-
rière , gloire à eux , car ils ont compris que le moment était venu
de réaliser, au profit du peuple, les sublimes rêveries de l'homme
 de bien !
    Déjà notre ville recueille les fruits de ces généreux efforts. Nos
regards ne sont plus attristés du spectacle de toutes ces misères
vagabondes , de toutes ces douleurs vraies ou fausses , complai-
samment étalées comme un reproche au bien-être des privilégiés
de la fortune, comme un perfide conseil aux classes laborieuses.
Un asile est ouvert à tous ceux que le malheur ou l'inconduile
réduit à vivre du denier de l'aumône. Dans cet asile , il y a du
travail pour les hommes valides , du repos pour les infirmes ,
du pain pour tous. On est admis là ^ sans recommandation , sans
patronage, sans qu'il soit besoin de recourir à ces interminables
démarches, devant les quelles retombe si souvent la main du
pauvre prête à frapper à la porte de nos établissemens de cha-
rité. Ici , point d'autre privilège que celui du malheur , point
d'admission ajournée à la mort des premiers-venus , il suffit d'a-
voir faim pour devenir , sur l'heure , l'hôte de la maison de re-
fuge.
    Fondé en 1829 , le Dépôt de Mendicité a obtenu tout le succès
promis à un établissement de ce genre. Effrayés de l'entrave mise
à leur honteuse industrie , les mendians étrangers ont disparu.