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rines de Sèvres, les unes avec des corbeilles sur la tête , les au-
tres , des urnes sur les bras , dans lesquelles on semait tous les
ans du miosotis palustris. Dans les angles de la cheminée , deux
encoignures de vieux laques, portaient tout l'appareil pour le thé,
en antique porcelaine du Japon ; deux tables de jeux à incrusta-
tion de bois de roses et de palissandre ( et j'écris ceci sur l'une
d'elles ) , occupaient les deux autres angles du salon. Entre deux
portes, dont l'une donnait dans la chambre de ma grand'ma-
man et l'autre dans le vestibule, était une ligne immuable de
chaises à dossiers perpendiculaires, ayant à leur tête un énorme
canapé , qui avait l'air du tambour-major de la compagnie -, trois
ou quatre portraits de famille rivalisaient de grotesque avec les
personnages du tapis qui avaient été long-temps pour moi un
objet d'épouvante. D'énormes jardinières remplies de fleurs dans
toutes les saisons , complétaient l'ameublement de cette pièce ,
dont rien n'a changé l'arrangement pendant de longues années.
Conformément aux règles de la plus scrupuleuse étiquette , au-
cun habitant de la maison, parens ou amis, ne s'y présentait sans
avoir fait sa toilette. Ma grand'mère elle-même n'y paraissait
qu'avec son rouge et ses gants. Pour nous autres enfans, il n'es-
tait abordable que lorsque nous avions été assez sages pour venir
assister à la lecture de Grandisson en anglais , dont ma grand'ma-
man nous régalait à titre de récompenses. Je dois, à la vérité, de
dire que nous nous arrangions de manière à la mériter le moins
souvent possible. Quelques-uns de mes lecteurs trouveront peut-
être ces détails bien puérils , mais dans ce récit le charme des
souvenirs ou des impressions de mon enfiance est tout pour moi,
le travail d'artiste vient après.
  Maintenant que vous connaissez les localités, écoutez mon
histoire :
  C'était je crois à la fin de juin ou au commencement de juillet
1815; deux officiers arrivèrent avec un billet de logement ; après
quelques instans d'entretien particulier, ma grand'maman les
installa dans l'appartement de ma tante, au lieu de les placer
dans la chambre réservée aux Jogemens militaires. Elle expliqua
cette distinction en disant que les messieurs Macéroni étaient les