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388 NOTES RÉTROSPECTIVES pas. Mais à distance, toutes ces taches se fondent, se rappro- chent, s'équilibrent, s'harmonisent, et l'oeil reçoit de ce ragoût de couleurs, une impression de grâce et d'élégance, qui tient à la science acquise de l'artiste et à son sentiment de la couleur, choses qu'il doit avoir quelque peine à infuser à ses élèves. Des fleurs aux fruits la transition est logique, mais je ne m'en sers que pour vous signaler un tableau conçu d'une toute autre façon que les fleurs dont je viens de parler. Il s'agit de trois poires et d'une large écuelle de faïence com- mune. Avec ces pauvres éléments, M. Fouace a composé un petit tableau d'une étonnante valeur dans sa donnée vulgaire. Il est difficile de pousser plus loin le relief, l'éclat, la vérité, le trompe-l'œil, si l'on veut, mais pas une seule toile de nature morte parmi celles qui étaient exposées au Salon, n'allait seulement au bord de l'écuelle de celle-ci. M. Marius Rey se plaît aux scènes militaires. Le cadre qu'il a choisi pour son Duel est tout autre que celui de M. Sicard, c'est une salle de manège très fidèlement rendue où deux cavaliers, nus jusqu'à la ceinture, l'un blond, l'autre brun, vont « s'aligner » selon les règles de l'art, sous l'oeil vigilant des témoins officiels de ces rencontres de régiment, infiniment plus sûres et plus respectueuses de la vie humaine, que les duels de bourgeois où des adversaires qui ont perdu la tramontane, s'égorgent éper- dument pour des vétilles, sous les yeux ahuris de témoins aussi dangereux qu'inexpérimentés. Les deux combattants de M. Marius Rey n'ont point l'air commode ; ils vont se battre avec conviction et le sérieux de gens qui savent ce que vaut un coup d'épée, les sous-officiers, le chirurgien, le lieutenant qui préside à l'affaire, sont bien groupés, bien