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SUR LE SALON DE 18S8 ^83 vant à peine marcher, soutenu par deux amis qui, pleins d'inquiète sollicitude, précèdent le médecin. Ouvrant la portière de sa voiture, le cocher, enveloppé dans son vieux C2rrick bleu, le cou enroulé d'une loque rouge, semble prendre part aux souffrances du vaincu. D'un s'este, il montre au blessé les coussins qui l'at- tendent, et ce geste est plein de commisération; cette bonne figure, un peu bourrue, rougie par l'hiver et par les petits verres, nous la connaissons tous. M. Sicard a incarné, dans son type de cocher de fiacre, trois ou quatre types d'auto- médons que nous avons cent fois rencontrés. Une autre trouvaille, ce sont les chevaux, les deux vieux chevaux d'un blanc tirant sur le jaune, en passant par le bleu du pommelé, leurs sabots plantés dans la neige fondue, immo- biles et patients, ils sont vus de face, en perspective, jeu périlleux auquel M. Sicard se plaît en artiste qui sait tout ce qu'il peut oser, estimant qu'il lui est permis de donner « l'ut de poitrine » du raccourci, sans heurter les règles de la perspective et l'harmonie des lignes de sa composition. La préoccupation louable de concentrer toute l'attention sur le sujet principal, de ne pas distraire l'œil par la trop grande précision des détails, a conduit l'auteur du Duel à traiter un peu trop sommairement les feuilles sèches des platanes qui érnaillent l'herbe grise, si bien que ces feuilles ont l'air de saupoudrer le sol de morceaux de cuir décou- pés. Ce reproche ne s'applique pas au bord d'allée au-devant duquel sont arrêtés les chevaux. La glace couvrant les or- nières de l'allée s'est brisée en menus fragments sous leurs pieds, et ce coin du tableau est rendu avec une vérité absolu- ment remarquable. Les arbres dépouillés de leurs feuilles sont tout ouatés de la brume de l'hiver. Au loin, on distingue le groupe des amis de l'adversaire, qui se retirent avec lui.