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254                   D'AVAUX ET SEKVIEN

s'agissait d'exprimer des sentiments qui sont tout le con-
traire de la bienveillance et de la sympathie.
   D'Avaux lui avait reproché de se vanter sans cesse et de
s'attribuer tout ce qui réussissait, tandis qu'il censurait con-
tinuellement son collègue et lui attribuait tout ce qui
échouait. Servien lui répond : « Tous ceux qui vous con-
naissent savent trop bien que vous n'avez pas si mauvaise
opinion de vous et que vostre inclination ne vous porte pas
à dire tant de bien d'autruy (4) ». Et un peu plus loin :
« Cependant, parmy ces déguisements et ces artifices, vous
ne laissez pas de crier aussi haut qu'un aveugle qui a perdu
son baston, à la vérité la passion, qui vous conduit, ayant
extrêmement besoin d'en recouvrer un (5) pour l'empes-
cher (6) de tastonner comme vous faictes en toutes choses
et de heurter dans tant de divers inconvéniens (7). »
   Servien, qui n'est que le second ambassadeur, se plaint
d'être mal renseigné, de ne pouvoir obtenir aucun conseil,
et il s'exprime sur ce point avec une netteté et une verve
singulières : « Je confesse, Monsieur, que je suis venu en ce
païs avec un très grand désir d'apprendre de vous beaucoup
de belles choses; mais vous ne m'avez pas jugé digne de
cette faveur, quoique je n'aye obmis civilité, ny defference
pour vous y convier, en vous mettant sur le discours des
affaires. Mais quand cela arrive, vous vous contentez de
m'en interroger, et quand j'ay dit mon advis, vous faictes
quelques branslemens de teste sans rien répondre. Je veux
croire que vous faictes comme les Maistres d'escrimes, qui


  (4)   P. 63.
  (5)   Un bâton.
  (6)   La passion.
  (7)   P. 82-