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184                     PAUL HUMBLOT

tous les paysans avaient abandonné leur travail pour ce
suprême hommage. Devant le cercueil, derrière la croix,
le prêtre conduisait le chrétien visiter une dernière fois
l'église qu'il avait embellie de ses bienfaits et où si souvent
il était venu s'asseoir comme en un asile favorable à ses
méditations et à ses recueillements. Les robes rouges des
magistrats, les robes noires des avocats, les vestes grossières
des vignerons se détachaient sous un ardent soleil qui
inondait les blancs chemins serpentant à travers les vignes.
Mais sous ces costumes si différents, dans ces conditions
sociales si dissemblables, tous portaient un même deuil,
mesuraient un semblable vide, celui que laisse le départ
 d'une haute intelligence et d'un grand cœur. Dans le petit
cimetière de village où la mort devient plus aisément fami-
lière., sous les grandes herbes et les fleurs sauvages que la
nature sème sur les tombes, comme pour apprendre aux
hommes que l'espérance doit en leurs âmes voiler et parer
encore les tristesses de la séparation, la fosse était creusée ;
et alors la voix émue d'un ami (2) s'éleva, trouvant les
accents de la plus généreuse éloquence pour dire ce qu'avait
été sur cette terre l'homme de bien qui l'abandonnait.
   Il y a quelques mois à peine le cercueil du fils prenait le
chemin qu'avait suivi, il y a quatre ans, le convoi du père.
M. Humblot, notaire à Beaujeu, était frappé en pleine
vigueur d'un de ces maux inattendus qui font rêver les
plus jeunes et les plus vaillants aux surprises du lendemain.
Il n'avait pas hérité des brillantes qualités paternelles. Mais
c'était le type de la probité, estimant que l'honnêteté n'a
pas de degrés, que la conscience ne saurait avoir trop de



  (2) M. Rougicr.