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182 PAUL HUMBLOT les pénibles conséquences. Etait-ce d'ailleurs une véritable retraite qui le faisait descendre de son siège ? Il devint l'arbitre de toutes les contestations qui craignent le scan- dale et le bruit. De toutes parts vinrent à son cabinet les incertains qui, engagés dans une fausse voie avaient besoin d'un conseil, les ménages désunis qui ne voulaient pas livrer à la curiosité du public, dans une retentissante audience, les douloureux secrets de ces faillites de l'âme, les pères qui pensaient qu'une grave parole pourrait rame- ner au foyer l'enfant prodigue. Il remplissait ce beau rôle de conciliation et de concorde avec toute l'autorité que lui donnaient son grand âge et son grand cœur. A Régnié, dans sa campagne du Beaujolais, où il passait la plus grande partie de l'année, il était devenu le véritable juge de paix du canton, recevant chaque matin sous les arbres de son jardin les vignerons qui venaient soumettre à son jugement éclairé et gratuit leurs débats sans fin. Il aimait cette campagne où il s'était si souvent reposé de ses fatigues, où il avait laissé tant de souvenirs heureux de ses jeunes années. Il se sentait revivre sous le chaud soleil qui dorait les vignes, errant par les sentiers où si longtemps il avait promené les joyeuses étapes de sa vie. Qui sait? Peut-être y cherchait-il encore une rime rebelle ou l'harmonieuse cadence du vers. Pourquoi le taire? Les muses aiment la cour discrète et peu compromettante que se plaisent à leur faire les anciens magistrats. Que de traductions d'Horace ont dû le jour à ces tardifs loisirs ? De nombreux amis venaient le visiter, aimant cette con- versation devenue avec l'âge plus vague, plus incertaine, moins féconde, mais intéressante toujours. Et puis il avait ses livres, les seuls compagnons qui ne vieillissent pas avec nous, ses livres tant de fois relus, qui si souvent étaient