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ET LE BARREAU LYONNAIS I77 être contrôlé par les matelots, critiqué par les passagers, dirigé par les lieutenants, et, seul répondant du naufrage, pût être paralysé dans sa manœuvre. Autoritaire, il l'était par instinct, et sa foi catholique, sa confiance en une religion qui voit une vertu dans l'obéissance sans murmure, avaient fait de cette disposition naturelle de son esprit, une impérissable conviction. On ne saurait méconnaître qu'en cette croyance il se séparait des idées traditionnelles de son ordre, et qu'il comptait parmi les rares et viriles exceptions, dont les plus illustres furent assurément Chaix-d'Est-Ange et Delangle. En effet, les avocats ont toujours accusé l'Empire, aussi bien que tous les autres régimes autoritaires, d'avoir embarrassé la liberté de leur langage et considéré comme d'insolentes attaques les honnêtes audaces de leur cons- cience. Us se sont plaints bien haut d'avoir été gênés dans les franches allures qu'ils étaient habitués à conserver sous les plis antiques de leurs vieilles robes parlementaires. Je n'ai pas à juger ici la légitimité de leurs griefs. Mais il me semble que ces vides querelles n'ont guère été justifiées et que le Barreau a plutôt cherché un prétexte à son aver- sion de race, à son hostilité instinctive, « à ses antipathies de famille. » Fidèles héritiers des d'Espréménil et des Montsabert, gardant avec une admiration respectueuse la tradition de ces protestations fameuses qui éclatèrent au sein des anciens Parlements, demeurés à travers les chan- gements du siècle les représentants immuables de la vieille bourgeoisie, les avocats sont restés pénétrés, malgré les plus tristes démentis, des théoriques illusions du Tiers Etat. Croyant à la liberté avec une sincérité naïve et res- pectable, ils l'ont aimée jusque dans ses imprudences, qui ne purent jamais déconcerter leur foi confiante, jusque I 2 N» 3 . — Mars 18S8.