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II6 PAUL HUMBLOT ET LE BARREAU LYOXXAIS le tumulte d'écoliers en vacances qui bourdonnaient au bout de la table, soudain Humblot se leva. Alors tout se tut ; la gaieté bruyante s'arrêta respectueuse, et la jeunesse (il m'en souvient) contempla ce vétéran de la parole, ce revenant d'un autre âge, avec une curiosité inquiète. « Mes amis, c'est un vieillard qui vous parle, » avait-il dit; et tous tendaient l'oreille vers cette voix usée, fatiguée, qui se faisait violence. Mais peu à peu, sa parole s'animait dans l'évocation de ces grandes vérités qui avaient guidé sa vie, le droit, la justice et la liberté! Les yeux perdus dans le vague, il revoyait bien loin tout son passé. Ses veillées laborieuses, ses luttes, ses victoires, ses heureuses fatigues, tout ensemble apparaissait à ce regard mélancolique et souriant, que le vieillard jette en arrière sur le long chemin parcouru, qui déjà touche au but. Il rêvait tout haut devant ces anciens qui l'avaient applaudi, devant ces jeunes gens qui ne l'avaient point connu et qu'il aimait. Son langage retrouvait des ailes, montait vers les hautes régions, planait. Les mots de Dieu et de Patrie éclairaient ce discours, qui semblait le testament suprême d'un croyant. Dans ce der- nier souffle de l'éloquence, dans cette voix lassée prête à s'éteindre, on sentait flotter cette triste poésie de l'adieu, qui mettait une larme aux yeux de plus d'un de ces jeunes fous tapageurs, devenus soudain songeurs et graves, dans ce: imposant voisinage. Paul HUMBLOT. {A suivre.) £ë&25