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I 10                   PAUL HUMBLOT

les gens de l'automne, nous sommes de toutes les cou-
leurs. » Rien n'est plus attachant qu'une vieille femme
aimable, retrouvant chez les autres la jeunesse qu'elle n'a
plus, se contentant de son passé sans gêner de ses gronde-
ries, le présent et l'avenir des nouveax venus, « se
réchauffant en mettant dans ses mains, les mains qui se
cherchent », s'acheminant doucement vers Dieu, et n'in-
terrompant ses graves méditations que pour encourager
d'un geste de bienveillance, les gaietés qu'elle croise en che-
min, « figure de bonté et de malice, souriant à l'ombre
des années, entre l'Indulgence et l'Espérance. » Telle était
l'amie qu'Humblot avait eu la chance de trouver à travers
les égoïsmes de la vie et de conserver dans la solitude de la
vieillesse.
   Mmc Grognier-Arnault avait été une jolie femme, très
entourée, ayant su ressusciter dans le réalisme de notre
époque, l'ombre et comme la miniature de l'un des salons
spirituels du xvm5 siècle. Puis, sans disputer pied à pied le
terrain à l'âge qui venait, sans s'énerver dans cette lutte
inégale contre le temps, dans ces irritantes défaites contre
un invincible ennemi, elle avait mis sa bonne humeur à
accepter les rides sans effort, sans révolte, sans regret, et
avant que personne se fût aperçu de cette transition péril-
leuse, elle était devenue une vieille femme, mais n'avait
fait que changer de séductions. Peu à peu, cependant, elle
 se retirait davantage dans une retraite pleine de dévotion et
de prières, et c'est de là qu'elle discutait avec son vieil ami
sur les problèmes théologiques et les vérités religieuses.
  .Humblot ne semble pas avoir eu dans ses conversations
et dans ses lettres, cet art de causer qui consiste à parler de
vingt sujets en une heure, toujours glissant sans jamais
enfoncer, « de telle sorte, que la conversation ne soit pas