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54 UNE ÉVASION A PIERRE-SCIZE à mes yeux que celle qni absorbait toutes mes pensées. Virgile a dit : Quid non mortalia pectora cogis Auri sacra famés. S'il avait été à ma place, il aurait dit avec moi : « sacra famés libertatis. » « Je recevais cinquante francs par mois pour suppléer à ma mauvaise nourriture, et pour louer des livres. Je trou- vai moyen d'augmenter ce pécule, le jour je copiais de la musique. Les Amphions de Lyon ont eu des partitions de ma main, et j'ai eu de leur argent : ils sont sans le savoir mes libérateurs de compte à demi. Je me procurais du carton, dont je fis des volets à ma fenêtre, parce qu'à dix heures du soir le factionnaire nous ordonnait d'éteindre nos lumières; j'achetai sous divers prétextes de petits cou- teaux, et comme nous avions du bois pour l'hiver, je fabriquai avec les maîtres brins de mes fagots de courts leviers destinés à démolir le mur, sans le plus petit bruit, en lés plaçant entre les pierres. Je me procurai enfin, par l'intermédiaire de ma blanchisseuse, des balles, de ia poudre et un pistolet à deux coups. Fiez-vous aux femmes, vous ne vous en repentirez pas. Si elles consentent à vous servir, elles ne vous trahiront jamais; elles garderont votre secret comme elles gardent le leur. Il n'en est pas toujours de même des hommes. Si on me cite la mère de Papirius Pretextatus, je citerai Epicharis, et en fait d'hommes, ma bonne blanchisseuse fut plus discrète que Turenne. « Je n'eus donc plus qu'à mettre la main à l'œuvre. L'an- gle du mur et de la tour était caché par mon lit. Je travail- lai en arche de pont, ayant bien soin de ne pas dépasser la