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20 PAUL HUMBLOT plus un procès est pénible et déroute l'attention, plus on doit appeler à son aide les artifices et les parures du style, pour ne pas décourager l'esprit fatigué du juge. Aussi, dans l'enchevêtrement d'une affaire de chiffres, parmi les aspérités d'une question de procédure, son imagination lui entr'ouvait tout à coup un chemin de traverse qui avait des échappées soudaines, la surprise d'horizons inattendus. C'est bien le propre de l'originalité de transformer, d'élever, de grandir ainsi un sujet terre à terre, en lui donnant l'em- preinte personnelle et comme la signature de son talent. « Personne, disait M. le bâtonnier Genton dans l'éloquent adieu qu'il adressait au nom du Barreau à son ancien con- frère disparu, personne n'a étendu avec une telle autorité sa robe pour en couvrir une mère abandonnée ou une épouse indignement trahie. Personne n'a rappelé avec plus de puissance un adversaire parjure à ses engagements ; per- sonne enfin, n'a interprété avec une intuition plus perçante et une patience plus tenace les titres à moitié effacés conte- nant des droits que telles ou telles communes se disputaient de génération en génération et où appelants et intimés finissaient par ne plus se reconnaître, dossiers vraiment effrayants, comme inconnus de nos jours, et au milieu des quels il finissait par apporter une éclatante lumière. » Des plaidoyers trop rares qui nous ont été conservés, il en est un où nous retrouvons réunies les principales qualités d'Humblot, cette élévation philosophique, cette science théologique qui si souvent lui venait en aide .et aussi cette émotion profonde qu'il puisait au fond de son cœur. Un mari demandait à exhumer les restes de sa femme qui avait été enterrée par son père et par sa mère dans leur propre caveau et à la ramener dans le tombeau où plus tard il devait lui-même reposer. Et Humblot posait aussitôt cette grande