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370                 PIERRE ET JEANNETTE
distance. Je le reconnaissais à peine, tant il était maigri et
pâli ; tout son air, autrefois si doux, était sombre et presque
méchant. Je l'approche, il paraît vouloir m'éviter, en jetant
vers moi un regard courroucé.
    « —Pierre, lui criai-je, ne me reconnais-tu pas ? Tu veux
 me fuir ! Tu as donc commis quelque grande faute ? Au-
 rais-tu fait quelque chose contre l'honneur et le devoir ?
 Parle, tire-moi de l'inquiétude extrême où ton départ et ton
silence m'ont plongé. »
    « — Des fautes, des actions contre l'honneur et le de-
voir ! Oh ! ce n'est pas moi qui en ai commis. Demandez à
votre conscience, Monsieur, qui est-ce qui est coupable ?
Non, je ne veux plus me trouver avec vous, laissez-moi
fuir votre présence. »
    « — Pierre, dis-je avec force et dignité; au nom de tous
les souvenirs de votre vie passée, au nom du respect que
 vous devez à votre second père, je vous ordonne de vous
.arrêter et de me parler. Vous êtes la victime de quelque
hallucination ou de quelque machination infernale. Voyons,
êtes-vous malade ? Et vous sentez-vous la tête saine ? »
    « — Encore une fois, Monsieur, je vous déclare que je
veux m'éloigner de vous. «
    « —Quoi '. c'est à moi que tu réponds ainsi, malheureux !
à moi, ton ami le plus vrai ! Si je ne t'aimais pas, serais-je
venu te chercher ici ? Ouvre-moi ton cœur, pauvre enfant,
tu as quelque grand chagrin, verse-le dans mon âme ; tu as
éprouvé assez souvent que je t'ai toujours consolé dans tes
afflictions. »
    « — Mais, c'est vous-même qui causez mon plus grand
 chagrin, vous le savez bien, ô vous que j'ai servi fidèlement
 et que j'ai tant aimé. Pourquoi m'avez-vous arraché tout
 mon bonheur ? »
    «—Pierre, encore une fois, je veux savoir ce que signifie