page suivante »
58 PIERRE ET JEANNETTE II Pierre pouvait donc écrire, et le premier usage qu'il fit de son talent, ce fut d'adresser une lettre à ses parents. Il introduisit sous le même pli une petite lettre dont il me fut facile de deviner la suscription. Je ne voulais pas lui arra- cher son secret ; mais il paraissait un peu honteux de ne pas me le dévoiler, à moi son protecteur, son ami dévoué ; enfin il lui échappa cette parole excellente : « Monsieur, pardonnez-moi, je vous cachais quelque chose et j'avais tort; vous me servez de père, je vous dois, comme à mon père, toutes mes confidences. Dans cette lettre que j'adresse à mes parents, j'en mets une pour une jeune fille de notre village, Jeannette, fille du fermier An- dré ; je la considère comme ma fiancée, nous nous sommes promis de nous marier, pourquoi ne vous le dirais-je pas ? Je ne veux pas avoir de secret pour mon bienfaiteur ; lisez donc mes lettres, ô mon maître; et, s'il s'y trouve quelque chose qui ne vous paraisse pas bien, dites-le moi. » Je lui serrai cordialement la main, en le remerciant et le félicitant de sa confiance filiale en moi. Je pris ses lettres, et je les lus. J'ai une excellente mémoire, comme vous savez, et je vais vous les rendre à peu près mot pour mot, en ne reproduisant pas cependant quelques fautes de fran- çais échappées à mon novice écrivain. Voici la première : « Mes chers parents, « J'ai le bonheur de vous écrire moi-même. Grâce à « mon bon maître et au cours d'adultes, j'ai pu apprendre « assez promptement à lire et à écrire, et le premier usage « que je fais de mon petit savoir, c'est de vous envoyer