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                           NÉCROLOGIE.                       415

    « Nos chansonniers fondèrent encore, avec M. le doc-
 teur Jurine, la Société littéraire qui était très-littéraire
 en son jeune temps; elle donnait de nombreuses soirées
 où se pressaient les plus jolies têtes, les plus unes oreilles
 de Genève, pour écouter des vers. C'est là qu'en 1829,
 Petit-Senn apparut sur l'estrade avec un énorme manus-
 crit sous le bras. « Je suis sûr qu'à Paris, dit un article
 de la Revue moderne, on n'aurait pas regardé ce dossier
 sans inquiétude. » On l'accueillit à Genève avec un fré-
 missement de plaisir. M. Petit-Senn déroula son cahier
 et lut à haute voix : La Miliciade, poème. Or, je le de-
mande, à l'ouïe d'un titre pareil, de ce mot sinistre,
poème, qui annonçait pour le moins un millier d'alexan-
drins, défilant deux à deux, bien classiquement, quel
Parisien, fût-il de l'Académie, n'aurait pris la fuite ou ne
se serait plongé en lui-même pour songer à autre chose,
jusqu'à ce que le régiment monotone eût passé ? Les fem-
mes genevoises restèrent, sourirent, écoutèrent. M. Petit-
Senn lut le premier chant, on demanda le deuxième en
battant des mains. Il lut le deuxième chant, on réclama
le troisième avec des cris de joie. Il lut le troisième chant,
 on exigea le quatrième avec une explosion d'enthou-
 siasme. Le poète exténué dut refuser net en annonçant
 que le poème paraîtrait le lendemain. Il s'en vendit en
un clin-d'Å“il 1,200 exemplaires.
    « La Miliciade était un poème satirique dirigé non pas
 contre les milices de Genève, mais contre les militaires
intermittents qui traînaient avec trop de forfanterie leurs
 sabres casaniers. Petit-Senn a toujours doucement raillé
les matamores du Plan-des-Ouates;il leur dit, une qua-
 rantaine d'années plus tard, dans son Épitre à Janus :
        Je vous trouve amusants, j'en fait l'aveu sincère,
        D'avoir tant de vaillance et pas un adversaire...