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                ÉTUDE SDR LE PATOIS LYONNAIS.               143

  Le morceau qui suit, extrait d'un manuscrit de la biblio-
thèque de la Sorbonne, écrit sur beau papier velin et rela-
tant les DICTS ET GESTES DES sAiNcis, reflète une couleur locale
qui semble indiquer la tradition d'un dialecte auvergnat :

                      ÀKNO D ! . M"   CO.
   « Quand Trajanus le veist, si li dist : les tu chou maus
 deales (l'es-tu ce mauvais diable?) que mes commande-
mens trespasses, et fais as gens nostre loi déguerpir? Sains
Ignaces li respondit : Nus [nullus) devroit apeller bon cres-
tien Dyale, car li deale sont molt loing des sergans (ser-
vants) Dieu. Mais porc/ie que j'ai fait os deales maint ennui
et qu'il me héent (haïssent), m'as tu apelédiale. Je ne suis
mie diale, ains croi et aoure Jhesu Crist, roi del ciel et de
le terre. Car il n'est que uns seus (unus solus) Dex. C'est
cil qui fit le chid et le terre et le mer, et quanques i a, et
Jhesu Crist est ses Fix, cui (auquel) âmes j'ai conquise.
Trajanus dist : Dis tu celui Jhesu qui fu crucefiés ou tans
de Pitate le prevost? Sains Ignaces li respondit : Chelui di-
je que le pechié crucefia et chelui avec qui tu as pechié.Tra-
janus dist : Portes tu donc celui Jhesu Crist en ton cuer?
Sains Ignaces li respondi : Oui, car li meisme dit enl'Es-
 eripture : Je manrroi (demeurerai, matière) en ciax qui en
moi oréront, et qui me serviront et irai avec iaus (illos) là
où il iront. Lors regarda Trajanus ses chevaliers et si lor
dist : Prenes moi Ignaces, si me le faites mener à Rome
tout loié (lié) de fer. Car parche qu'il dist qu'il porte Jhe-
sum qui fu crucefiés, le ferai je mengier as bestes sauvai-
ges devant tôt le peuple. Quant sains Ignaces oï ce, si eust
molt grantjoie et dist à haute voix : Sire Jhesu Crist je te
rends grâces de che que tum'apeles entièrement à t5 amor,
(ton amour) et de chtou que je sui dignes que je soie loiés
 de fer pour ti. »

   J'emprunterai ma dernière citation au treizième siècle,
Vers la fin du règne de Philippe le Bel, le premier roi qui
ait appelé le Parlement à tenir ses séances à Paris et donné
congié au français, qui jusque-là était resté la langue du
peuple, le patois, patrua ; les traités, les livres de science,
les cours publics, les assemblées synodales, les actes nota-
riés même, ayant été toujours, jusqu'à cette époque, repro-
duits en latin de haute ou basse extraction, et souvent, ces
derniers surtout, en véritable latin de cuisina.