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268                     DE L'HOMME.
fre : « L'homme complet dans une société complète » serait
une excellente formule qu'on n'appliquera jamais, et qu'on
fausserait en tentant de l'appliquer, parce que ce seraient
des hommes qui l'appliqueraient à des hommes.
   L'homme étant esprit et corps, ceux qui font consister
surtout l'homme dans l'esprit, sont idéalistes ; ceux qui
donnent trop de prépondérance au corps, sont matérialis-
tes. Depuis qu'il y a des hommes, on se préoccupe diverse-
ment de la prédominance de l'esprit ou de la matière chez
l'homme : Zenon et Epicure s& partageront le monde jus-
qu'à la fin des siècles. — Assez généralement, quand l'un
a régné trop longtemps, l'autre le détrône.
   « Je pense, donc je suis », a dit Descartes : « Je sens,
donc je suis, » a dit Leibnitz. On peut ajouter, comme no-
tions non moins claires : «Je veux, donc je suis volonté. Je
veux, indépendamment de ce que je pense et de ce que je
 sens, donc je suis libre. Mon adhésion ou ma résistance
morale est libre, donc je suis responsable.» — Résumant
 enfin ces éléments constitutifs de l'homme, je dis, àpriori,
que l'homme est évidemment pensée sentiment, volonté
et volonté moralement libre, dès lors responsable.
   La pendule marche, mais sans savoir qu'elle marche.
L'homme est une pendule qui sait qu'elle marche, mais
non pourquoi, ni comment elle marche?
   Qui donc ignore qu'il ne s'est pas créé lui-même, et que
sa mystérieuse origine implique un être mystérieux anté-
rieur et supérieur à lui, puisqu'il en procède.

                             "I.

   Le mot homme a un sens collectif, je l'ai dit ; il signi-
fie l'ensemble des êtres humains, des êtres raisonnables.
Il a aussi un sens particulier : l'homme est la nature hu-
maine en chacun de nous ; c'est notre personnalité morale.
— Ce double sens, collectif ou particulier du mot homme,
est une source de confusion quand on s'y méprend.