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366 LA CHANSON DE ROLAND. pour être en harmonie avec l'esprit de la légende, doivent donc s'inspirer ici dn style de l'épopée. Composer ce drame en se tenant autant que le comportent les nécessités de la scène dans les données du poème, serrer de près, d'aussi près que possible l'œuvre du vieux Turold , sans être aride, sans manquer à l'intérêt des situations, sans écourter ni amoindrir le cadre, le développement scénique et musical, faire intervenir des épisodes conformes à l'esprit et au caractère du sujet, revêtir ses fictions du cachet propre à son modèle, enfin éliminer les oripaux et les clinquants ab- surdes de la plupart des mises en scènes, telle était l'œuvre qui pouvait tenter une nalure généreuse d'artiste; telles étaient aussi les difficultés, qu'à force de génie, celui-ci pou- vait espérer de vaincre. D'ailleurs en traitant de la sorte la légende deRoncevaux, c'était suivre un illustre exemple, et reprendre dans un monde tout différent l'épreuve de Racine écrivant Athalie conformé- ment aux textes saints, et répudiant une partie du bagage conventionnel de la tragédie de son époque. Si le succès cou- ronnait l'entreprise, quelle grandeur, quelle puissance, quelle originalité dans une partition taillée sur le noble patron de la vieille chanson française ! Le premier acte de l'opéra se passe au pied des Pyrénées, dans le château de la belle Aide, que son père en mou- rant a confiée au comte Guénelon.Celui-ci est sur le point d'é- pouser la jeune châtelaine qui le déteste et cherche tous les moyens de lui échapper. Pendant un orage, Roland inconnu s'abrite dans le manoir, et promet de défendre Aide qui ré- clame son secours. Surviennent Guénelon et Turpin appelé pour bénir les fiançailles. Roland s'oppose au mariage, défi des deux comtes ; mais Turpin leur défend le combat tant qu'ils n'auront pas accompli le message pour l'émir de Sara- gosse que Charlemagne a confié à ces deux pairs de France.