page suivante »
204 MOUVEMENT PHILOSOPHIQUE EN ALLEMAGNE. plus tard, Niebuhr marche sur les traces de Wolf, en supprimant d'un trait de plume plusieurs siècles de l'Histoire romaine ; il nie tous ces classiques récits, immortalisés par la prose de Tile-Live, et qui ont charmé notre enfance; il leur substitue avec une étrange har- diesse ses propres conceptions. Certes, sa tentative ne manque pas de grandeur. A voir ainsi ce fils des Ger- mains établi à Rome, fouillant la poussière de son sol et les débris de ses monuments, interrogeant ses annales, relevant les contradictions des vieux textes avec une impitoyable rigueur, et demandant à ce qu'ont négligé ses devanciers le secret de ce' passé mystérieux, on se rappelle involontairement ce barbare prédit par Horace, qui vient à Rome fouler insolemment la cendre de Romu- lus : Barbarus, heu ! cineres insistet victor.... Quœque carent ventis et solibus, ossa Quirini, Nef as videre ! dissipabit insolens (1). L'audace de la profanation ajoute à l'intérêt de la tentative ; il semble, en lisant Niebuhr, que la Rome de nos souvenirs s'écroule comme devant une nouvelle in- vasion. Sans doute, grâce à de tels travaux, les origines sont mieux étudiées; le passé est fouillé jusque dans ses der- nières profondeurs ; mais quelle exagération dans les conclusions! Quel esprit de système dans les affirma- tions! Quel orgueil dans cette sorte de divination per- sonnelle substituée à toutes les traditions! L'Europe entière a plus ou moins subi cet ascendant. C'est de là (1) Horace, Epod. XVI.