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MOUVEMENT PHILOSOPHIQUE EN ALLEMAGNE. 201
il pas aussi quelque peu le présent ? N'étaient-ce point
lesfilsde ces chevaliers tant vantés que ces petits sou-
verains qui se partageaient le sol de la patrie ? Et l'histoire
du Saint Empire Romain ne racontait-elle pas la gloire de
leurs ancêtres ? On tend ainsi, de 1815 à 1830, à ressus-
citer en quelque sorte l'état politique et moral du XVe
siècle : un empire dont tout le monde parle à condition
que personne n'en sente la puissance, fantôme excellent
à invoquer contre la France, mais très-bon aussi à relé-
guer dans les nuages lorsqu'un péril réel ou imaginaire
ne menace pas la frontière du Rhin.
L'école romantique se déconsidéra par ses propres
exagérations. La liberté de ses conceptions fut poussée
jusqu'à l'étrange ; le fantastique devint une sorte de dé-
vergondage d'imagination, dont un fou de génie, Hoff-
mann, a donné dans ses Contes le plus célèbre exemple,
mais dont les germes se trouvent déjà dans les œuvres
de Tieck et de Chamisso. Une réaction était inévitable,
lorsque la révolution de 1830 vint lui donner une plus
vive impulsion. C'est notre triste et glorieux privilège
d'ébranler le monde entier par nos commotions politi-
ques. La jeune Allemagne est née du mouvement de
1830, comme l'école romantique était sortie des événe-
ments de 1813.
Bien des tendances diverses se sont abritées sous ce
nom général de jeune Allemagne, et cette régénération
politique et sociale, qui était dans la pensée de tous,
prenait dans l'esprit de chacun des formes bien diverses.
Des faulesont été commises, des erreurs propagées; mais
de grands talents se sont produits au jour ; il suffit de
citer les noms de Lenau, de Justinus Kerner, de Freili-