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424 LITTÉRATURE. sur Lucrèce que plus d'un d'entre vous sans doute a lues et qu'on ne saurait oublier. C'est un article qu'a publié il y a deux ans dans la Revue des Deux-Mondes, M. Mar- tha, du Collège de France. Entre tous les poètes de Rome, Lucrèce a eu ce privilège que les critiques les plus distingués de notre temps l'ont étudié avec amour et en ont parlé avec éloquence. Ils se sont plu à décrire ce qui donne tant de relief, tant d'éclat, tant de profondeur à sa poésie ; ce seniiment incomparable de la nature, celle passion ardente qui s'allie à la plus éner- gique précision, cette sorte de mélancolie pénétrante dont l'effet est d'autant plus sûr qu'elle est plus contenue; comme la douleur est plus touchante chez l'homme fort qui dévore ses larmes. Je serai heureux, Messieurs, d'ap- puyer ce que j'aurai moi-même à vous en dire sur l'auto- rité de tant de bons juges, MM. de Fontanes, "Villemain, Patin, Martha, Prévost-Paradol. Ce sera en même temps un secours pour moi et un plaisir pour vous. Cette gloire de Lucrèce suffirait à eîleseule pour prou- ver que la poésie didactique, plus modeste clans ses allures que l'épopée, que l'ode, que la tragédie, n'en est pas moins, quoi qu'en aient dit quelques esprits exclusifs, une vraie poésie, et que dans les oeuvres qui nous rebutent par leur froideur ou leur sécheresse, ce n'est point le genre qu'il faut accuser, mais le pauvre génie du versificateur. Lucrèce nous apprendra combien ce genre, sous l'a main d'un poète, peut avoir d'éclat et de charme. Nous en chercherons les conditions et les lois dans la comparaison de cet illustre modèle avec ses devan- ciers et ses successeurs. Mais nous nous attacherons sur- tout à la poésie philosophique. Après en avoir cherché