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                    DU CHATEAU DE VAREY.                    73

bientôt l'armée des Dauphinois s'ébranle, et en bon ordre, sans
rompre ses rangs , descend vers Saint-Jean-le-Vieux. Ro-
bert de Bourgogne et le sire de Beaujeu, qui faisaient armer
leurs gens, soutiennent le choc, mais l'épouvante se glisse
dans les cœurs ; les chefs eux-mêmes désespèrent du triom-
phe. Surpris au milieu du repos et des plaisirs, [séparés, er-
rant à l'aventure dans la vallée, sans plan de bataille devant
cet ennemi si peu attendu, ils ne peuvent que lutter avec leur
bravoure accoutumée et réparer leur imprudence en donnant
leur sang.
    Cependant la chute des Savoisiens ne devait pas être sans
gloire. Aux cris de la bataille, à la nouvelle que les Dau-
phinois écrasent les Bourguignons, Edouard accourt à la
tête de tout sou corps d'armée. La colore embrase son
âme : il descend rapidement des collines, charge les Genevois,
les Gessois, les gens du Faucigny, les culbute et les disperse.
Arrachée à ses délassements imprudenls, la jeunesse savoi-
sienne veut racheter sa faute, et laver l'affront qui vient de
l'atteindre ; elle se presse autour de son chef, prête à mou-
rir, mais comptant vaincre ; tout cède, à son impétuosité.
Les Genevois éperdus se rejettent sur les Dauphinois, leurs
vieux alliés ; les Savoisiens les poursuivent jusque sous ce
drapeau objet de leur animosilé ; les lances frappent les
poitrines, les épées cherchent les épées, la rivalité des deux
nations, les haines héréditaires se font jour plus terribles à
mesure que le champ de bataille se rétrécit; les escadrons se
heurtent, tourbillonnent et se mêlent avec un bruit affreux.
   Amé de Chalant se rapproche du comte de Savoie :
   — Avez été fait chevalier par le roi de France au mi-
lieu de la mêlée, lui dit-il avec une contenance si fière
qu'on l'eût pris pour le paladin] Roland : grand renom
gagnerais, si à pareille fête daigniez m'octroyer le don sacré
de chevalerie.