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82 LA CHARTREUSE DE SAINTE-CROIX. du ruisseau presque desséché, tantôt par des sentiers ardus, connus seulement des chasseurs et des pâtres du pays, c'est là que l'on trouvera les sites les plus pittores- ques et les pins curieux que nous connaissions aux envi- rons de Lyon. Ici l'étonnement redouble à chaque pas. Là c'est un pont naturel creusé par le torrent comme celui d'Arc dans l'Ardèche ; plus loin l'aqueduc, qui conduit au canal l'eau du réservoir, sur un pont de six arches, beau comme une œuvre romaine; partout la sombre verdure des chênes qui croissent avec peine sur ces pentes abruptes; partout des rochers aux formes bizarres, aux teintes noirâtres, qui surplombent à pic le fond obscur de la vallée. Ainsi de même qu'à la Grande-Chartreuse et à Meyriat, un défilé étroit et d'un accès' difficile, où le regard étonné rencontre sans cesse des profondeurs sans issues, se trou- vait placé, comme une barrière, entre le monde et la paisible retraite des religieux. Le contraste que présente cette nature sauvage et grandiose avec la vallée calme et verdoyante où fut fondée la Chartreuse de la pieuse châ- telaine du xme siècle, est saisissant. Aussi c'est surtout quand, on revient de Sainte-Croix, dans la ville bruyante deRive-de-Gier, parce passage solitaire et plein d'horreur, qui fait penser involontairement à l'entrée de l'Enfer du Dante, que l'on est frappé de la situation ravissante du vieux monastère et qu'on se figure tout le charme de cette vie d'austérité et de prière qui s'écoulait paisible et ignorée, loin du tumulte du monde et des passions de la vie réelle. A. VACHEZ.