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44 LA CHARTREUSE DE SAINTE-CROIX. Elle avait aimé passionnément son époux, dit Chorier, et son amour s'était transformé en vénération pour sa mémoire. Une piété sincère, l'affection maternelle, le culte du souvenir, l'absorbèrent désormais tout entière. Quoique vivant au milieu du monde, elle semblait lui avoir déjà dit adieu pour se consacrer aux pratiques de dévotion et aux fondations pieuses. Vainement de nobles chevaliers prétendirent à sa main, elle repoussa énergi- quement leur demande. Pourtant ses proches la pres- saient vivement d'accepter un nouvel époux et de choi- sir parmi tant d'illustres prétendants un protecteur pour elle et pour ses enfants. Mais les obsessions continuelles de sa famille ne pouvaient vaincre sa détermination, et lui causaient une grande affliction. Au milieu de ses pei- nes, elle demanda à la prière un soulagement à sa dou- leur. Elle fut exaucée, et un songe miraculeux vint la confirmer dans la résolution qu'elle avait prise de demeu- rer fidèle à la mémoire de son époux. Une nuit, pendant son sommeil, elle vit une croix resplendissante de lu- mière lui apparaître au milieu de plusieurs étoiles. Une autre nuit, que Béatrix priait avec ferveur, la même vision se renouvelle encore et la croix et les étoiles s'ap- prochent d'elle si près qu'elles semblent vouloir la tou- cher, puis s'élevant dans l'espace, elles se dirigent vers le lieu où devait être fondé le monastère de Sainte-Croix. Le lendemain, vivement préoccupée de cette double ap- parition, Béatrix, qui se trouvait sans doute alors dans son manoir de Châteauneuf, se rendit à l'église, où elle entendit la messe en l'honneur de Sainte-Croix. L'office achevé, elle ordonne à son écuyer de préparer des che- vaux, et, suivie de plusieurs serviteurs, elle parla la re-