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22 ÉTUDE SUR LES GUERRES DE RELIGION. Théodore de Bèze comptait quatre cent mille réformés fran- çais. Trois ans plus tard, lorsque leur culte imposé sans être autorisé avait pu se propager ouvertement, les députés des églises nouvelles interrogés par Catherine de Médicis avaient dans un document présenté et signé par eux porté le nombre de ces églises a deux mille dans tout le royaume. Enfin lorsque l'Edit de Nantes fut rendu, au lieu de deux mille elles étaient sept cent cinquante. Voila quelle place tenaient sur la face du royaume les communautés protes- tantes. Il est assez difficile d'ailleurs, parmi les renseigne- ments confus et contradictoires qui nous restent, de déter- miner combien de membres ces communautés renfermaient dans leur sein. Mais h quelque chiffre qu'on s'arrête, il fau- dra toujours reconnaître que les hérétiques au milieu de nous ne furent jamais qu'une poignée d'hommes. Et cette poignée d'hommes a tenu en échec peuple et roi, balancé longtemps la fortune de la France et lait respecter enfin la liberté de sa foi. Voila ce que peut dans un état une mino- rité qui sait vouloir. D'où venait donc sa force? Je ne cherche pas en ce moment par quelles causes et de quelle manière le protestantisme s'était propagé. J'examine seule- ment comment il a su combattre. Je cherche à connaître non sa séduction sur les âmes, mais son importance dans l'Etat. Dès leurs premiers jours les protestants en France for- mèrent, en même temps qu'une Eglise, un parti. Précisément parce qu'ils se sentaient épars au milieu d'un peuple catholi- que et comme étrangers au sein de la nation, parce que le génie de la France leur ouvrait peu d'accès et que ses insti- tutions ne leur livraient aucune place, ils se serrèrent les uns contre les autres, s'habituèrent à compter sur eux seuls et se tinrent prêts a la lutte. Au moment même où dans l'Eglise catholique les élections du clergé étaient abolies,