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188 ÉLOGE DU DOCTEUR AtflÈDÉK BONNE'!'. tations la physionomie froide et calme de la science. 1 eut 1 peu de ces élans d'idéalité qui donnent une forme poétique au sentiment et a la pensée. Cependant il aimait l'éloquence et la poésie. Il avait eu de bonne heure du goût pour la littérature, et parmi nos poètes, il préférait Racine. Quel- quefois, à l'issue d'un repas amical, ou dans les causeries intimes du soir, il prenait plaisir a déclamer les plus belles scènes de notre grand tragique. Il le faisait avec un senti- ment profond de la beauté des vers et du caractère des personnages. Celui qui l'entendait pour la première fois , admirait sa mémoire , partageait l'émotion de sa parole, et s'étonnait de voir le savant, si absorbé par ses recherches et ses travaux professionnels, s'en affranchir un instant, attiré vers le culte du beau par le charme delà poésie. C'est qu'au nombre de ses facultés dominantes, était encore l'enthousiasme, non celui qui éclate dans les grandes réunions d'hommes animés par une noble passion, mais cette exaltation intérieure qui s'empare de l'esprit, même isolé , en face d'un fait, d'une question, d'une idée, et que favorise l'habitude de la réflexion. L'espérance d'une dé- couverte , la confiance d'arriver au but, doublaient sa force de volonté. Il s'exagérait souvent l'importance des résultats qu'il cherchait ou de ceux qu'il avait atteints. La.question grandissait à ses yeux, au point qu'elle semblait, a un mo- ment donné, contenir toute la science. Parfois cet entraînement lui infligeait quelques déceptions Après avoir creusé, fouillé , épuisé un sujet, s'il n'en avait pas définitivement fait jaillir une vérité nouvelle, il l'oubliait. Volontiers il aurait dit alors, qu'il n'y avait rien a faire sur le terrain ingrat qui n'avait pas payé ses sueurs. Par bonheur, il arrivait que bientôt une autre question s'emparait de son attention. Grâce à une certaine mobilité d'esprit, à ce besoin naturel de changement, si prononcé chez quelques hommes.