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               MEYERBEER ET L'ÉTOILE DU NORD.




    Voilà bien près de vingt-cinq ans que Giacomo Meyerbeer règne sur no
tre scène lyrique ; c'est de lui, en effet, que date ce régime des opéras en
cinq actes qui a prévalu parmi nos compositeurs. Robert-le-Diable a en-
gendre la Juive, qui a engendré la Favorite et Charles VI, et ainsi des au-
tres. Et non seulement Meyerbeer a imposé sa manière à l'opéra français,
mais l'Italie n'y a pas échappé. Verdi, de l'autre côté des Alpes, procède
bien plus de l'auteur de Robert que de Bcllini et de Donizetti. Singulier
contraste ! Tandis qu'en France il se manifeste une réaction timide encore,
mais néanmoins certaine, contre ce qu'on appelle la grande musique, contre
l'envahissement de l'harmonie proprement dite, l'Italie aspire à se dégager des
caresses musicales de ses maîtres les plus aimés : les ardentes langueurs de
Norma, les palpitantes élégies du chantre de Lucie ne lui suffisent plus; même
la musc de Rossini ne lui semble plus assez sérieuse ; tous les concetti de la
langue musicale la laissent froide. Un autre idéal l'attire : l'idéal de la force,
fût-il entaché de rudesse et déparé par l'emphase. A ce titre, pour le dire
 en passant, la musique de Verdi, l'auteur d'Ernani et de Jérusalem, mé-
 ritait mieux que les dédains avec lesquels nos critiques l'ont accueillie.Peut-
être y a-t-il dans le défaut même de cette musique qui fait fureur dans
 toute l'Italie, dans la sonorité stridente qu'on lui reproche, un symptôme de
 bon augure pour la malheureuse patrie de Léopardi et de Sylvio Pellico.
   Pour ce qui est du goût français, à quoi bon le nier ? Malgré le respect et
les formules courtoises dont on use quand il s'agit d'une renommée aussi
éclatante que celle de l'auteur des Huguenots, il est évident que nous n'ap-
portons plus, en allanl écouler ses chefs-d'œuvre , les mêmes dispositions
qu'autrefois. Autrefois on disait : Je comprendrai, je m'efforcerai de com-
prendre. Maintenant on dit : Je ne comprendrai pas , ou bien ce ne sera
qu'avec beaucoup d'efforts. Cette différence, que je constate, n'infirme en
rien la valeur des dernières œuvres de Meyerbeer. L'auteur du Prophète
est très certainement égal à celui de Robert. Ce qui a baissé , ce n'est pas
l'inspiration du maître , c'est l'intelligence de l'auditeur, j'en suis , pour
 mon compte, très-persuadé ; en marchandant notre admiration à tel ou rtcl
 morceau de la partition du Prophète, par exemple, ce n'est pas au maestro