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                         CORRESPONDANCE.


  RÉPONSE DE M. JOSEPH BARD A LA LETTRE DE M. AUGUSTE
              BERNARD AU SUJET DES NOMS LATINISÉS.


      A Monsieur le Directeur de la              REVUE DU LYONNAIS.

                                        Lyon, le 6 novembre 1854.
          MONSIEUK,

   M. Auguste Bernard me fait l'honneur de m'adresscr, dans votre der-
nière livraison , à propos de noms latins de lieux, des observations dont le
besoin ne se faisait pas généralement et vivement sentir dans notre publie
lyonnais. Je comprends mal comment des hauteurs de la Capitale et de la
science qu'il occupe, ce docte écrivain a pu apercevoir l'horizon borné
tracé autour de nous par l'amour de la province. Ce sera, sans doute, dans
un moment où il cherchait une distraction, ou bien désirait rappeler son
nom à des lecteurs qui ne cessent de l'honorer et ne l'oublient point.
   Sans doute, beaucoup de noms de lieux n'ont pas été latinisés avant le
XVI e siècle, et beaucoup ont une origine purement gauloise. A ce dernier
point de vue, on a plus encore abusé qu'à celui des racines latines. Je con-
nais des hommes instruits qui, armés de leur Bullet et du dictionnaire de
Legonidec, trouvent dans tous les noms une origine celtique. L'effort de la
science dans ce cas n'est pas très-méritoire et très-significatif.
   Bans notre contrée si intimement pénétrée par l'élément antique, terre
de droit écrit, l'origine latine et le nom latin ont évidemment prévalu. Cette
observation est absolue,
   Toutes les appellations latines que j'ai citées se trouvent tout au long dans
Garraud et dans Courtépée, dans Guiehenon qui les ont presque toutes pui-
sées dans les chartes et carlulaires des XI e et XII e siècles. Il faut avoir bien
envie de conserver une origine, pour ne pas voir dans les nombreux Vin-
celles et Vinzelles du territoire vinicole, la traduction non pas libre mais
servile de Vini cellœ.
   M. Bernard nous parle d'un Roricum qui serait Saint-George-de-Reneins.
Où a-t-il pris ce Roricum , et que signifie Roricum ? Quel rapport y a-t-il
entre ce nom et Reneins ? Il me paraît à moi plus naturel de le faire dériver
A'Arena, des sables qui couvrent le territoire de Saint-Georges, près de la
Saône. Le mot latin arena a été bien sensiblement altéré dans notre langue ;
ainsi il y a à Dijon le faubourg de Rênes, à Dôle, la rue d'Arens, à Mar-
seille , le quartier d'Arène , et tous ces noms se tirent indubitablement
A'Arena.
   Quant à la dénomination de Trévoux, elle semble venir ou des trois petits
vallons qui s'ouvrent derrière cette ville, ou des trois voultes (anses, cour-
bes) décrites par la Saône au pied des ravissants coteaux que vous con-
naissez, ou bien encore de très vie (trois voies).
   En fait de noms latins , j'ai pour principe de ne rien inventer : je me
borne, en certains cas, à des interprétations plus ou moins contestables,
toutes consciencieuses.
  Agréez, Monsieur, la nouvelle assurance de mes sentiments de la veille,
du jour et du lendemain.                       JOSEPH BARD.