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                           BIBLIOGRAPHIE.                         335
beaux et bons souvenirs restés dans les annales du Théâtre-
Français.
    Or, succès oblige, et l'heureux débutant eut garde de s'endor-
mir sur ces premiers lauriers. Quoiqu'ayant toute l'indépen-
dance d'une belle fortune, il n'était pas de ceux qui produisent
une fois et en restent là, satisfaits d'avoir conquis une place au
banquet de l'esprit et de l'intelligence; il était de ces hommes
chez qui la vocation est irrésistible, et que trouble, malgré eux, le
mens diviniorda vieil Horace. Mais à sa verve devenue plus ar-
dente, la comédie parut un champ trop restreint; ses inspira-
tions le poussèrent vers l'ampleur et les émotions du drame, et
il eut l'admirable pensée de transplanter sur la scène une belle
fleur de roman, la grande figure de Corinne. C'était, à coup sûr,
une entreprise aventureuse, peut-être même téméraire, aux lueurs
dangereuses de laquelle plus d'un papillon moins heureux se fût
brûlé les ailes. Ne fallait-il pas lutter avec la création première,
la reproduire sans la copier, traduire en beaux vers une remar-
quable prose ? Ne fallait-il pas réveiller, sans l'affaiblir, l'impres-
sion profonde encore que gardaient les contemporains de l'œuvre
de Mme de Staël ? A pareille tâche le poète ne faillit point, et habile
à contourner les nombreux écueils, faisant preuve d'un tact et d'un
goût exquis, créant encore avec la création dont il osait s'empa-
rer, il fit de Corinne un beau et noble drame dans un temps où
le vieux mélodrame régnait encore en maître sous les auspices
de Pixérécourt.
    Le succès des représentations fut incontestable, et, quoiqu'in-
tervenant au milieu des orages de la révolution de 1830, elles su-
rent captiver un public plus accoutumé cependant aux bruits des
discordes politiques qu'à celui de l'harmonie des beaux vers, et
aux émotions de la rue qu'à celles de la scène. C'est en vain, d'ail-
Jeurs, que le public demanda le nom du modeste auteur, obstiné
à le dissimuler, car déjà les événements le détachaient de la car-
rière littéraire et lui inspiraient d'autres désirs.
    C'est un grand malheur sans doute quand les commotions de
l'ordre politique viennent troubler les luttes littéraires, et détour-
 ner de leur voie les esprits choisis qui en faisaient leur prin-