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NOTICE SUR LE PONT SAINT-ESPRIT , par LÉON ALÈGRE ,
Bagnols 1854, chez BROCHE, imprimeur.
Tout ce que les âges passés nous ont légué de beau s'en vn,
pour être remplacé par le laid. On connaît le pont du Saint-
Esprit, celle merveille du XIIIe siècle, qui orne d'une façon
si pittoresque le paysage des bords du Rhône : le progrès
utilitaire va en faire disparaître deux arches et les rempla-
cera par une seule en fonte. Hélas! le pont antique, qui de-
puis tant de siècles supporte les assauts des grosses eaux,
des glaces et des chocs de toute espèce, aurait mérité un autre
sort. S'il y a nécessité urgente, elle est bien déplorable. Je ne
parlerai pas de lous les souvenirs qui sont attachés au pont du
Saint-Esprit; on se moquerait de moi. 11 faut cependant avouer
que le vieux colosse était solide. Au moment où j'écris ces li-
gnes, je viens de voir un moulin vermoulu emporter le jeune
pont suspendu de Saint-Clair, qui n'a pas opposé la moindre
résistance et qui, une minute après le choc, a disparu dans les
flots du Rhône. Leponl du Saint-Esprit eût vu le moulin se bri-
ser,comme un paquet d'allumelles,contre ses arches séculaires,
mais les Compagnies de bateaux à vapeur ne lui pardonnent
pas d'opposer quelque difficulté au passage de leurs paquebots,
et il succombera. Nous lous, Lyonnais, qui regardons le cours
entier du Rhône, comme étant un peu de notre domaine;
nous tous, amis des arts et des souvenirshistoriques, nous qui
avons souvent navigué sur ce fleuve, dont les rives sont bien
autrement plus belles que celles du Rhin, nous nous désole-
rons, mais les commis-voyageurs seront dans l'admiration.
Nous regretterons la mutilation de ce splendide manumenl,
élevé par les disciples de saint Benezet, tandis que les Coin-