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493 d'enfanter l'homme au courage et à la force d'rtme. Néanmoins elle ne laisse pas que d'avoir son mauvais côté en ce qu'elle nous place pour l'ordinaire sous l'empire d'une intolérance brutale, et tend à pétrifier l'esprit humain. En effet, quand on adhère fermement à une doctrine et qu'on n'a pas l'om- bre d'un doute u son égard, on ne peut pas concevoir que les autres n'y adhèrent pas comme nous, et, à moins que l'on ait une intelligence exlrément étendue, on doit infailliblement les regarder commme des cœurs dépravés ou tout au moins comme des esprits mal faits, et les traiter en conséquence. Avec une foi immuable le progrès est bien encore plus impossible que la tolérance. Qu'est-ce que progresser sinon changer? et quand on change d'idées pourquoi en change-t-on, si ce n'est pas parceque les idées auxquelles on avait eu foi jusques-Ià ne paraissent plus aussi certaines, c'est-à -dire parce que l'on en doute ? U est vrai que le doute relâche et détend les ressorts de la volonté et nous rend quelquefois incapables des grandes ac- tions, mais il n'en est pas moins un élément très légitime de la vie humaine et la source la plus féconde de la tolérance et du progrès. Vous parlez d'Euripide, et vous lui faites un crime d'avoir douté des croyances de son temps, mais n'agissait-il pas de la façon la plus raisonnable en refusant sa foi à Mer- cure le Voleur, à l'Impudique Vénus et à tant d'autres divi- nités semblables? Tout meurt ici-bas. Quand les systèmes politiques et religieux ont fait leur temps, il faut qu'ils se décomposent pour faire place à des systèmes nouveaux que la foi fera naître de leur cendre. Chercher à éterniser les idées que nous avons c'est chercher un remède contre la mort, c'est s'ingénier à rendre les arbres, les animaux et les hommes eux-mêmes immortels et immobiles sur cette terre qu'emporte un mouvement sans fin. Mais si tout meurt dans le monde idéal comme dans le monde réel, rien ne s'anéantit. C'est le